Histoire courte - Les enfants tueurs cover image

Chose promise, chose due, voici la première short story et le thème est "Les enfants tueurs". C'est un thème qui m'avait plu car c'est vrai qu'il y a peu d'histoire ou l'enfant, symbole de l’innocence est le tortionnaire. Alors éloignez les vôtres s'ils sont dans le coin, ça pourrait leur donner des idées. C'est bon ? On est entre adultes ? Bon ben c'est parti. Et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Un bonbon ou un sort

« Un bonbon ou un sort », ce n’était jamais que la quarante-deuxième fois ce soir que j’entendais cette menace anodine. Seulement cette fois mon stock était vide, le groupe précédent d’enfants ayant eu raison de la pile de sucreries de cette année. Est-ce moi qui avais prévu trop peu ou bien les enfants étaient encore plus gourmands que d’habitude ? J’ouvris tout de même la porte et trouvai une petite fille de 7 ou 8 ans, déguisée en fée. Elle était tout mignonne avec son costume rose et ses petites ailes. L’air du soir les faisait bouger légèrement, produisant un petit tintement. Son visage était rond comme beaucoup d’enfants à cet âge-là et son sourire innocent était contagieux. Pourtant elle était seule, à cette heure avancée de la soirée.

« Désolée petite, mais je n’ai plus de bonbons, j’espère Me La Fée ne m’en voudra pas trop. Mais tu es toute seule ? » lui dis-je.

« Non, mon papa est dans la voiture là-bas, il me surveille de loin, maintenant je suis grande, je sonne aux portes toute seule. Pour les bonbons, c’est dommage pour vous Monsieur, Me La Fée ne vous en voudra pas trop mais moi si ! » me répondit-elle avant de tourner les talons et de se diriger vers la maison suivante.

En refermant la porte, quelque-chose me dérangeait néanmoins. Bien sûr la petite fille était déçue mais quelle était cette sensation de décalage que je ressentais ? Je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus, comme lorsque l’on sait que l’on a oublié un truc important mais qui s’échappe à chaque fois que l’on y pense.

Sans y accorder trop d’importance, je retourne dans mon canapé pour continuer à regarder ma série. Je somnole un peu, regardant d’un œil distrait les personnages de ce conte télévisuel se débattre pour sauver leur royaume qui est forcément au bord de l’effondrement, comme il se doit à cette époque de l’année.

En ouvrant les yeux, une migraine fulgurante me vrille le cerveau. J’ai mal dans le cou et la lumière me semble trop forte, je plisse les yeux. Ma conscience s’éveille et je me rends compte que je ne suis plus dans mon canapé mais sur l’une des chaises de la cuisine, toutes lumières allumées. J’essaye de me frotter le crâne et constate que je ne peux pas lever le bras de l’accoudoir car j’y suis attaché.

« Un bonbon ou un sort » fait une voix devant moi. C’est la petite fille de toute à l’heure qui se tient devant moi, se balançant sur la pointe de ses pieds, toujours vêtue de son costume rose.

« Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Comment tu es rentrée chez moi, qu’est-ce que tu m’as fait ? »

« Silence ! » En dehors de la tonalité de sa voix enfantine, son ton était d’une autorité absolue. Son visage avait également changé et je compris aussitôt ce qui m’avait interpellé lors de sa visite. Fini le visage angélique avec un grand sourire, elle avait les lèvres pincées, le menton plus droit et malgré sa petite taille elle me toisait droit dans les yeux. Mais plus que tout ce fut son regard qui fit parcourir un frisson glacé dans mon dos, un regard froid, dur, sans aucune trace d’émotion. Mais qui était-elle ? Comment avait-elle pu me lever et m’attacher à ma chaise ? Elle reprit sur le même ton autoritaire :

« Donne-moi mon sac de jouets » et je vis un bras sur ma gauche qui lui tendais un sac petit sac rose lui aussi avec un motif de fée.

« Vous savez Monsieur, Me La Fée ne vous en veut pas, elle n’aime pas les bonbons de toute manière, mais moi, j’aime vraiment beaucoup ça » me dit-elle en me montrant l’image sur son petit sac, « comme le veut donc la tradition, je vais donc vous jeter un sort » dit-elle en commençant à déballer le contenu du sac sur la table de ma cuisine.

Je la vis sortir des crayons de couleur, des stylos, une règle puis des petits ciseaux à bouts ronds. Elle les disposait bien alignés sur la table blanche de la cuisine, comme pour en faire l'inventaire avant la rentrée des classes.

Elle prit un crayon de couleur vert et l’examina « Monsieur, vous aimez bien le vert ? Moi oui, ça me fait penser aux promenades en forêt que je fais avec mon papa ». Le crayon dans sa petite main, elle se met sur mes genoux et commence à dessiner sur mon visage un motif que je ne comprends pas. Au bout de quelques traits elle s’éloigne et examine à nouveau le crayon. « Mince, il n’est pas assez taillé, je vais devoir trouver un taille crayon » dit-elle en tournant la tête de droite à gauche à la recherche de l’objet convoité. Un sourire s’étend sur son visage mais ce n’est pas celui de toute à l’heure, c’est un sourire carnassier. Sans que je comprenne ce qui m’arrive, elle prend le crayon et l’enfonce dans mon oreille d’un coup, perçant mon tympan. Je hurle, ou du moins je pense que je hurle car le son est déformé à cause de mon oreille qui saigne.

« Maintenant j’ai plus de vert, mais c’est pas grave, je peux continuer mon dessin avec du rouge » dit-elle presque boudeuse.

A ce moment-là, je crie à l’aide, je la supplie d’arrêter, je tape des pieds pour essayer de la faire tomber de la chaise mais deux mains puissantes se plaquent sur mes épaules par derrière, m’empêchant tout mouvement. Je n’arrive pas à tourner la tête à cause de la douleur que je ressens toujours dans mon cou.

« Hey, arrête de bouger, j’ai pas fini ! » Dit-elle en reprenant le dessin avec son crayon imbibé de mon sang. Après quelques nouveaux traits, elle prend un stylo à bille et se penche vers mon visage avec une mine concentrée, sa langue tirée comme si elle s’appliquait sur les détails de son dessin. Je sens la mine du stylo sur ma joue, le long de l’arête de mon nez puis sous mon œil. Je me fige pour éviter que le crayon ne dérape mais c’était sans compter sur ma petite tortionnaire qui enfonce le stylo directement dans mon canal lacrymal, toujours en tirant la langue pour s'appliquer.

Je crois que je me suis évanoui, je me réveille à cause d’une autre douleur, la petite fille chantonne une comptine alors qu’avec ses petits ciseaux à bouts ronds elle tente de me sectionner la langue, millimètre par millimètre. Je me débats de plus belle, j’essaye de la mordre mais je n’y arrive pas, elle a coincé sa règle entre mes dents pour que je ne puisse pas refermer la mâchoire. Je suis terrorisé mais je suis toujours prisonnier de mes liens, des deux mains puissantes et mes blessures m’affaiblissent d’autant plus. Après ce qui me semble être une éternité, elle abandonne son entreprise sans avoir pu sectionner ma langue qui saigne abondamment et descend de la chaise.

« Tu n’as pas été gentil, tu as bougé tout le temps, j’ai pas pu finir mon dessin comme je voulais. » Dit-elle en adressant un signe d’assentiment à celui qui me retient. La dernière chose que j’ai senti, ce sont les mains qui passaient de mes épaules à ma nuque et malgré le sang dans mon oreille, la dernier son que j'ai entendu fut le bruit de mes vertèbres qui craquaient.